Jus et Liz nous attendent au fond du bar dans lequel nous avons rendez-vous. L'épreuve de l'interview les rend plutôt nerveux, et c'est dans une ambiance plutôt timide, intimiste mais franche que nous passons une demie heure avec eux.
Quelle est la question qu'on vous a trop souvent posée ?
Jus Oborn : (Rires) Difficile à dire. Parmi les questions habituelles d'où vient le nom du groupe...
Liz Buckingham : C'est la première fois qu'on nous la pose celle la en tout cas !
Votre dernier album intitulé "Time To Die" est sorti cette année. Doit-on voir une sorte de testament derrière le nom de cet album ?
Jus : Oui, il y a une signification derrière le nom de cet album. Quand on l'a fait, on pensait que le groupe allait exploser tellement il était dur à faire (rires) ! Je pensais qu'on n'allait pas réussir à le terminer, en plus quand tu as des gens qui se retournent contre toi et essayent de t'arrêter, ça devient plus compliqué. Quand on a trouvé le nom au début du processus d'enregistrement, on s'adressait en fait à ces gens qui essayaient de nous anéantir pour leur dire que c'était à eux de crever, pas nous ! Mais au fur et à mesure, ça a pris un autre sens. Je suis dégouté par les infos et tout ce qui se passe dans le monde. Ce nom d'album s'est révélé plus approprié que jamais vis à vis notre race humaine, contenant toute la haine qu'on a pour elle.
Vous avez même ajouté : "Nous avons dû tuer le groupe pour nous réincarner". Que s'est-il passé ?
Jus : On a pensé très clairement que ce serait notre dernier album. Mais d'une certaine façon ça nous a aidé à écrire la meilleure musique qu'on ait jamais faite auparavant. C'est ce qu'on aurait pu écrire sur nos tombes (rires).
Liz : Ça n'a rien à voir avec le groupe. C'est tout ce qu'on nous a jeté à la figure qui a été très dur à encaisser. On pensait ne pas pouvoir s'en relever et ne jamais réussir à sortir ces titres.
Jus : L'industrie du disque a tellement changé. Le but aujourd'hui est de se faire de l'argent et de t'enfler. A la fin, tu te demandes pourquoi tu es encore là, à faire ça...
Pourtant, avec cet album, vous avez réussi à trouver une grande inspiration et une certaine fraicheur...
Jus : Oui, c'est vrai. Pour faire cet album, on a procédé de façon totalement différente. On avait atteint une certaine routine : démo de 8 chansons, enregistrements, sortie, tournée, etc. On s'est penché sur cette musique de façon différente, en s'orientant totalement vers et pour la Musique.
Cet album est plus sombre et heavy, plus puissant que les deux précédents par exemple, surtout quand on écoute un titre comme 'I am Nothing'...
Liz : Tout à fait. Dans cet album, tout est tellement plus authentique. Nous nous sommes inspirés de nos vies, un peu comme tous les autres, mais cette fois-ci, ça a été plus dur pour nous. C'est ce qui fait qu'il est plus sombre.
Jus : Quand tu rentres dans le processus de compo, les idées te viennent et selon ton état elles peuvent se révéler très positives et éloignées de ce que tu veux réellement mettre. Nous avons décidé de ne pas attendre pour ne rien perdre des sentiments que nous voulions transmettre dans cet album, garder cette colère tant qu'elle est là. Ce n'était pas facile, car on était à deux doigts de dissoudre le groupe ! J'ai cru devenir fou à un certain moment mais il je suis resté concentré sur cet album.
Il y a dans cet album des éléments 70's et psychédéliques, comme dans le titre éponyme. Vous signez une chanson finalement plus proche d'un Hard Rock de base que Doom. Etiez-vous fan de groupes des 70's hors Black Sabbath ?
Jus : Oui, depuis que je suis gamin, je suis bercé par le Heavy. Mes parents étaient fans de Led Zep, j'ai grandi avec Iron Maiden, Slayer... Donc on a tous le même héritage, on a les mêmes racines. Malgré des influences plus récentes, j'apprécie toujours autant le bon vieux Heavy ! Ces groupes ont un son bien à eux, nous c'est le Doom, ce qui n'empêche pas de s'inspirer de ces monstres sacrés (rires)
Quelle est votre relation musicale tous les deux ?
Liz : Je suis plus dans la composition et Jus dans les arrangements, ça fonctionne parfaitement.
Jus : Comme beaucoup de groupe en fait, où la compo se fait entre plusieurs membres et non juste un seul. Il y a une vraie entente musicale, des volontés communes sur ce qu'on aime faire. On échange beaucoup, il y a une grande confiance, et on ose se parler, exprimer nos opinions. C'est bon d'avoir quelqu'un en qui tu peux avoir confiance qui te challenge musicalement parlant.
Liz : C'est comme ça qu'on s'est formé et que le groupe a vu le jour.
L'arrivée de Liz en 2003 suite au départ du duo Greening/Bagshaw a initié une évolution dans la musique du groupe. Penses-tu qu'avec "Dopethrone" et "Let Us Prey" vous avez atteint l'apogée dans la mesure où il était impossible de faire un Heavy encore plus sale et malsain...
Juz : Je pense qu'après "Let Us Prey", il n'était plus possible de poursuivre dans cette direction. Il commençait à y avoir des divergences d'opinions, donc continuer comme ça n'aurait pas fonctionné. Ce groupe a une force incroyable, je ne sais pas d'où elle vient. Comme je suis dedans depuis looooongtemps, j'en ai vu des engueulades (rires). Je me suis d'ailleurs plusieurs fois posé la question d'abandonner...
10 ans plus tard, Mark Greening est revenu pour repartir aussitôt l'album composé. Que s'est-il passé ?
Jus : Je ne sais pas vraiment pourquoi il est reparti une fois l'album fait. Tout se passait vraiment super bien, on était parti sur de bonnes bases en mettant le passé de côté, c'était un élément génial. Mais la pression lors de l'enregistrement est vraiment devenue de plus en plus forte.
Liz : Ça a peut-être réveillé de vieux démons, de vieilles disputes ou de vieilles douleurs...
C'est étonnant que vous n'ayez pas parlé des raisons de son départ, non ?
Liz : Non, pour nous, il est juste parti (rires). On ne sait pas trop ce qu'il s'est passé dans sa tête, de toute façon le résultat est le même.
Jus : Ça vient peut-être de son entourage, des gens qui parlaient mal sur nous, mais il a commencé à devenir très nerveux et parano sur plein de trucs.
Pourtant avec cette colère, il semblait idéal comme batteur pour le groupe. Il avait un touché presque animal...
Jus : C'est clair, mais cette contribution ne s'est pas faite dans de bonnes conditions. On savait qu'on pouvait créer un tel album, mais c'est parti en fumée ! (rires)
Liz : En substance, je pense que cet album est tout ce qu'on pouvait faire ensemble avec lui. Lorsqu'on a cherché à retrouver une sorte d'alchimie, notre relation s'est effondrée.
Jus : C'est dur, on a eu quelques disputes... Mais qui n'en a pas ? Et j'aurais tellement aimé que ça marche à nouveau, sincèrement. Mais il faut croire que les détracteurs ont eu raison de notre relation.
Pourtant, comme ton groupe a plus de dix ans, tu as appris à gérer les avis des gens, non ?
Liz : Certains oui, d'autres n'y arrivent pas. C'est regrettable mais Mark a été très influencé par des gens extérieurs qui ne voulaient pas que l'on réussisse.
L'idée d'Electric Wizard a été indissociable de la drogue... Quel est votre rapport aujourd'hui avec, et vous êtes-vous calmé ?
Jus : C'est toujours une question à laquelle il est très difficile à répondre, tu vois. Mes parents finiront par lire cette interview un jour (rires). Mais on vient d'un milieu défavorisé, avec beaucoup de chômage, où la drogue s'est imposée dans la vie de tous les jours. Beaucoup de gens prennent de l'acide, ou d'autres saletés assez jeune. Ça a été mon cas dès l'âge de 12 ou 13 ans. Elle fait partie de ma vie maintenant, je ne saurais pas faire sans. Donc avec le groupe ou sans, c'est dans ma vie.
"Time to Die" est distribué par Spinefarm. Pourquoi ne pas avoir continué à travailler avec Rise Above, le label qui vous suit depuis vos débuts ?
Jus : Notre contrat est en fait arrivé à terme, et le label avait changé de mains entre temps. Je sais qu'ils avaient abandonné de grands noms. Spinefarm ne nous produit pas, ils distribuent seulement notre album. On est donc indépendant avec 100% de liberté ce qui est très important pour nous.
C'est certainement votre meilleur album, qu'en attendez-vous ?
Jus : On peut toujours faire mieux, mais pour celui-ci, j'aimerais qu'il y ait assez de copies disponibles pour tout le monde. Sur les précédents, si tu ne l'achetais pas dans les 30 secondes après la sortie, tu ne le trouvais plus que sur eBay pour $300 ou $500 (rires) ! Je préfèrerais que l'on vende des centaines de milliers d'albums et non une vingtaine à 1000€ pièce, tu vois ?
Liz : Il faut que les choses soient bien faites, pour que notre musique soit accessible pour tous.
Jus : Je pense qu'avec Spinefarm ça se passera mieux. Avec un label underground, il est plus difficile de se faire distribuer correctement.
Comme d'habitude avec vos albums, on sent les influences des vieux films d'horreur des 60's et 70's. Bien des groupes s'en sont également inspiré, notamment pour les couvertures. Comment expliquez-vous une telle fascination pour un cinéma pourtant dénigré ?
Jus : Je trouve que le cinéma de cette époque est bien plus visuel, graphique qu'aujourd'hui. Le cinéma d'aujourd'hui est un mix de "bang bang bang", de bruits et d'effets spéciaux dans tous les sens, il faut que ce soit du spectacle. Dans ce cinéma à l'époque, il y avait plus d'histoire, plus de vision. Ça m'inspire quand l'intrigue s'installe lentement.
Ils étaient également remplis de critiques envers notre société. Est-ce que c'est aussi votre souhait dans votre musique ?
Jus : C'est quelque chose que j'aimerais réussir à faire, introduire des messages hyper durs à travers une ambiance de films d'horreur, mais ça demande beaucoup de boulot.
Quel serait le message que vous voulez livrer à vos fans, s'il n'y en avait qu'un à retenir ?
Jus : D'être libre, d'être soi, toujours. Croyez en vous, n'écoutez pas ce que les autres peuvent dire. Ça sonne un peu gnan gnan, mais c'est plein de sens. Electric Wizard est exactement ce qu'on veut, et c'est nous qui l'avons fait arriver ou il en est, personne d'autre.
On parlait de films d'horreur, on sait que vous être fans de Jess Franco qui nous a quitté l'année dernière. Avez-vous pu le rencontrer ?
(en coeur) Noooooonnnn......
Qu'y a-t-il dans son œuvre que vous aimez tant ?
Jus : J'aime sa vision si singulière et son obsession. Ce n'était pas du tout commercial, il n'essayait de faire ce qu'on lui disait, mais donnait sa vision de la vie, c'était un génie pour ça. Il était plus préoccupé par l'acte de création, faire et terminer ses films, que par leurs retombées financières, un vrai artiste...
Vous avez joué au Hellfest cette année, comment l'avez-vous vécu ?
Jus :C'était notre troisième fois et on adore vraiment ce festival. Les Anglais l'aiment beaucoup aussi. L'organisation est très bonne, vraiment, c'est top.
Quel serait votre meilleur souvenir d'artistes ? Votre rencontre peut-être ?
Liz : Peut-être... Ou peut-être bien le pire (rires) !
Jus : C'est effectivement quelque chose d'énorme qui fait qu'on en est là aujourd'hui. La plus grande fierté étant d'avoir pu faire ce qu'on a toujours voulu.
Au contraire, quel pourrait être le pire ?
Liz : Cette dernière année je dirais. D'avoir été épié et sous le feu des critiques, quoi qu'on fasse.
Jus : On en est arrivé à être conseillé par des avocats ! Je n'ai jamais commencé tout ça pour un jour être représenté ou conseillé par un avocat ! (rires)
Nous avons commencé par la question la plus souvent posée. Quelle pourrait être celle à laquelle vous auriez aimé répondre ?
Jus : (cherche...) Je ne sais pas, tu sais les interviews, c'est pas vraiment notre truc.
Donc il n'y a rien d'autre que vous souhaitez dire à vos fans ?
Jus : Non (rires). Tout ce que nous voulons dire et transmettre, est dans notre musique.
Un dernier mot pour vos fans, lecteurs de MusicWaves, en Français si vous le pouvez ?
Liz : Je ne connais que des titres de films en Français (rires).
Tu pourrais donc réussir à faire une phrase avec !
Jus : (rires) Allez Liz, lance toi, les mecs regardez-la pour qu'elle soit obligée de répondre ! (rires)
Liz : Non, c'est mort !
Jus : (en Français) Je m'appelle Jus... Hum... Un croissant ? (rires) Non je ne sais pas...
(Ils discutent entre eux de façon presque inaudible, à chercher quoi répondre quand j'entends un "Fuck this suit", ndlr) Donc "Fuck this shit" ?
Jus : Ouais, (rires) ça, c'est super !
Merci à vous !
Merci !