Les danois de Tinkicker ont le goût pour les titres d'albums alambiqués. Après ''Soliloquy of the transparent boy'' et ''The Playground at the Age of abyss'' , ce troisième album studio ne déroge pas à la règle, et nous avons entre les mains ''The Cup of the Lord and the Wine of the Demons.'' (extrait de la première ''Epïtre aux Corinthiens 10:20'').
Le groupe poursuit son travail de combinaison mélodique conviant à travers des ballades et des sonorités plus heavy Pink Floyd et Back Sabbath (l'accent étant plus porté sur le deuxième groupe sur cet opus) tout en approfondissant leur thème de prédilection, le temps dans sa dimension spatiale et sociale (dont l'influence est très prégnante dans 'Same old different song' dans lequel ''the kids are crazy nowadays''). Ce temps, qui malgré les exhortations d' Alphonse de Lamartine ne veut pas suspendre son vol, ce temps qui fait la fierté de Dieu mais qui en même temps, enivre les mauvais comme les bons diables.
Une fois n'est pas coutume, l'album débute et se clôt par deux pistes courtes. La première, ironiquement intitulée 'Good evening', nous prévient malicieusement que nous nous orientons vers un sommeil sans rêve, peuplé de cauchemars, tandis que la dernière, 'Goodbye', illustre parfaitement le thème cher à l'album, une pure portion de temps irrévocable qui glisse entre les oreilles de l'auditeur. A ces pistes courtes s'ajoutent deux courtes fables glauques dans l'esprit des interludes en live de Peter Gabriel lorsqu'il officiait comme poète au sein de Genesis (la première 'Intermission' parle d'un pyromane, la seconde s'attache au suicide, porte dérobée de la vie).
L'emballage promet un cadeau dont l'effet de surprise ne peut être qu'invariablement captivant, mais hélas, le groupe ne peut pas (ou ne veut pas) apprendre des erreurs de l'album précédent... Ce qui est frustrant, car l'album débute sur les chapeaux de roue avec l'enchaînement de trois chansons introduites par le premier titre déjanté. Avec un refrain qui apparaît d'abord faible, mais qui se justifie en raison de l'état du protagoniste, 'Confession of a clown' est l'occasion pour Klaus Bastian de dévoiler une palette vocale très sensible, sous des riffs de guitare hard rock. 'Lucid dreams' et son chant déclamatoire et nostalgique lorgne vers le Pink Floyd de ''The Wall'' (comme plus tard sur le planant 'Last of the Bohemians') et impose une atmosphère étouffante par l'entremise de ses guitares et de ses effets sonores. Sans aucune transition, 'The boy who found God' est un mélange entre innocence et horreur, renforcé par ses voix de nonnes et de moines, puis par la reprise énergique de son thème. Le groupe s'autorise même un éventuel tube pop, désespérément pessimiste avec son titre antinomique 'A beautiful day'', dans lequel Klaus Bastian annonce d'entrée ''The world we know is coming to an end''.
Dépassé ce début tonitruant, le groupe semble remplir son cahier des charges, enchaînant des solis de guitare proches de l'épique sans arriver à atteindre leur but ('The flight of the moose', 'Playlist in the sky'). La plus longue chanson, la tétanisante 'The mailman's last route' aurait pu convaincre avec son début classicisant, mais la piste s'éternise à travers des développements hard (avec parfois des growls et des hurlements) donnant à chaque écoute le sentiment que le groupe a succombé au mal décrit dans ses paroles.
Si le groupe maîtrise son exercice de style, il se contente désormais de nous le resservir sans y ajouter une once de nouveauté. Il manque une charpente solide pour envoyer voguer cette nef des fous sur l'Øresund.