A l’écoute de ce deuxième effort de Legenda, on comprend mieux pourquoi Sir Luttinen, batteur et accessoirement chanteur et guitariste, a quitté le navire Impaled Nazarene, qu’il dirigeait avec son frangin. En effet, à des années-lumière du black primitif et nucléaire de son ancien port d’attache, le Finlandais s’évertuait à dessiner avec son nouveau projet en forme de duo (avec Niko Karppinen, ex-Sentenced), un metal extrême beaucoup plus sophistiqué.
Monté à la fin de l’année 1995, le groupe avait déjà été salué grâce à sa première offrande, la bien nommée "Automnal". "Eclipse" lui est bien supérieur, même si les ambiances délicieusement hivernales se sont diluées au fond du marécage d’un dark metal plus symphonique qu’atmosphérique.
S’il reste encore quelque chose du black metal que Luttinen déversait à ses débuts, sur certains titres plus rapides qui, du reste, sont loin d’être les meilleurs, ('The Night Has Drawn Night', d’une regrettable banalité ou 'Cohorts Of Demons', au demeurant accrocheur), c’est quand le duo drape ses compos d’un voile mortuaire (le magnifique 'Dead Red Roses', le poignant 'Melancholy') ou bien quand il se fait le chantre d’un black sympho nappé de claviers qui mènent toujours la danse ('Where The Devils Dance', 'Shades Of Shadows', 'The Fall Of Crown', 'Eclipse') que Legenda se fait le plus majestueux. Le plus attachant aussi.
Il réussit alors à plonger tout ce qui l’entoure dans une nuit opaque et éternelle. Rares sont ceux à être parvenus aussi bien à appuyer sur l’interrupteur pour éteindre toute lumière. Noire, dépressive et lugubre, la musique tète aussi le sein du pur heavy, comme l’illustre le grandiose et superbe 'Sister Shadow Sister', point d’orgue d’un album dont on peut douter néanmoins qu’il marquera le genre. En cause notamment une dernière partie moins convaincante car parasitée par quelques titres plus anecdotiques ('Springrealm', 'The Heart Of The North'), ce qui ne l’empêche nullement d’être très agréable, efficace et souvent envoûtant, dans la grande tradition finlandaise donc.
On regrette toutefois que Legenda ait depuis disparu avec l’implication (aujourd’hui révolue) de Luttinen au sein de The Black League, projet non moins intéressant mais qui lui en est très éloigné, et de plus en plus, le groupe étant passé d’un gothic metal sombre ("Ichor") à un hard rock graisseux étonnant ("Man’s Ruin Revisited"), mais ceci est une autre histoire. "Eclipse" restera donc son testament...