Le chef d'œuvre du Gab' ! S'il fallait n'en citer qu'un, ce serait celui-ci. Et si ce fut l'album de tous les tubes de Peter Gabriel, c'est aussi celui d'une maturité cherchée pendant près de vingt ans et enfin atteinte.
La voix de Peter a mûri elle aussi. Encore plus profonde et plus vibrante, mais aussi moins tendue vers le délire et moins nasillarde. Qu'à cela ne tienne : elle n'est que plus adaptée à la petite révolution que l'artiste va produire. Il n'y a désormais plus rien de contestable dans son travail. L'équilibre entre les synthés et les instruments naturels est parfaitement atteint. Conservé pour créer les ambiances magiques de morceaux comme "Mercy street", le synthé laisse place à la basse extraordinaire du grand Tony Levin, pour des solos et riffs époustouflants qui atteignent leur paroxysme dans "Don't give up".
Ce titre est d'ailleurs l'excellent duo de Peter Gabriel et Kate Bush qui vous emmène au fond de l'angoisse et de l'espoir résiduel d'un homme au fond du gouffre et perdu dans le monde moderne. A coups de basse nostalgique, de sons vaporeux et mesurés, de choeurs lancinants. Incroyable. Il y a aussi "Sledgehammer", un autre morceau passable à la radio. N'en oublions pas la force. Peu de morceaux savent faire bouger l'auditoire avec tant d'intelligence et tant de malice. Et les réminiscences seventies reviennent à la surface dans cet hommage à Otis Redding, dont Peter était un fan dans son enfance. Citons encore "Red rain", où Peter nous emmène instantanément dans son univers à la fois clair comme la civilisation et sombre comme la barbarie sous-jacente de notre monde. Enfin, venons-en à "Mercy street". Emotion, chaleur, perte de repères et nostalgie.
C'est peut-être ce dernier mot qui émane le plus de "So" aujourd'hui. Bien qu'il fut (et est encore) un disque d'avant-garde, il sonne comme une incroyable nostalgie d'un passé déjà révolu et pas si lointain. Un album dont les richesses sont si grandes que l'on n'a pas fini de les explorer.