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Il est rare qu’un album reste d’une égale qualité du premier au dernier morceau. A vrai dire, c’est souvent le cas pour les groupes incapables de placer plus de deux accords dans leurs chansons ; la médiocrité est alors « la chose du monde la mieux partagée » comme disait Descartes, et se propage à force égale de titres en titres. Heureusement, c’est rarement le cas dans le rock progressif, mais il est tout aussi rare de dénicher LE disque qui vous fera vibrer d’un bout à l’autre, quand bien même serait-ce au cours de la trentième écoute. Et pour mon plus grand plaisir, « Discesa Agl'inferi D'un Giovane Amante », du groupe Il Bacio Della Medusa, n’est pas loin d’appartenir à cette catégorie, approchant dans mon panthéon personnel les monstres sacrés que sont Genesis, Quella Vecchia Locanda ou encore The Flower Kings. Je n’ai bien sûr pas cité ces trois groupes au hasard ; c’est que notre sextet italien accomplit la synthèse parfaite entre ces trois conceptions, singulières mais complémentaires, du rock progressif.
La tonalité générale, très symphonique grâce à l’emploi d’une flûte traversière, renvoie sans surprise au Genesis période Gabriel, groupe avec lequel ces Italiens partagent un sens aigu de l’arrangement, construisant de magnifiques écrins pour mélodies et soli finement ciselées. L’utilisation assez fréquente d’une guitare acoustique douze cordes (magiquement aérienne dans "Sudorazione A Freddo Sotto Il Chiaro Di Luna") n’est sans doute pas pour rien non plus dans cette proximité, qui, en dernière analyse, doit beaucoup à la diversité des timbres, des climats et des tonalités, diversité que les deux groupes ont su et savent exploiter à merveille. Ainsi, dans son procédé de construction, avec cette sublime explosion finale où lyrisme et malsain se côtoient pour notre plus grand bonheur, "Recitativo È Nel Buio Che Risplendono Le Stelle" peut, sans extrapolation excessive, être rapproché de "The Knife", dernière pièce de l’album « Trespass » (1970).
Avec Quella Vecchia Locanda, Il Bacio Della Medusa partage déjà la langue, ce qui n’est pas peu de choses, tant l’italien fait merveille au sein de compositions lyriques, farouchement expressives et généralement assez sombres ; le morceau "Melancolia" est d’ailleurs là pour le prouver à quiconque en douterait. Ces deux groupes ont ensuite en commun l’amour des mêmes timbres (piano, violon, chœurs mixtes) et les agencent avant tout au service de l’émotion ; au banquet du progressif, cette dernière ne devrait-elle d’ailleurs pas être la première conviée ? "Corale Per Messa Da Requiem" est à cet égard exemplaire, et ne cesse d’évoquer pour moi l’incroyable "A Forma Di…" tiré de l’album « Il Tempo Della Gioia » (1974). Même pourpre tristesse, même désir d’explosion, même ampleur chorale… et mêmes frissons.
Enfin, pourquoi The Flower Kings ? D’abord pour la paradoxale modernité d’un son que tout rapproche des 70’s ; chez les Suédois comme chez les Italiens, même volonté de renouer avec l’esprit des « Trois Glorieuses » (1970-1972), et même qualité de la production, qui tire vers l’avenir des sons nés dans le passé. Aussi cette comparaison de prime abord surprenante ne naît-elle pas tant de la musique proprement dite que de la démarche sonore menée par les deux groupes. Ensuite pour la virtuosité incontestable des musiciens ; j’évoquais plus haut l’importance des flux émotionnels dans le progressif ; ceux-ci ne sont jamais plus prenants que lorsqu’ils sont associés à une technique sans faille, et le final de "Nostalgia Pentimento E Rabbia" est là pour nous le rappeler. Enfin, le court solo de guitare semi-acoustique présent au milieu de la septième pièce doit autant au touché incroyablement doux et précis d'un Mark Knopfler (Dire Straits) qu’à la merveilleuse montée finale du morceau "Humanizzimo" dans le live « Meet The Flower Kings » (2003).
Pour les besoins de la comparaison, je n’ai mis en valeur que quelques-uns des douze morceaux qui composent cet album. Choix arbitraire qui ne doit pas faire perdre de vue que l’ensemble du disque est un pur régal, véritable offrande progressive livrée dans l’écrin d’un concept-album (car chaque morceau n’est qu’une déclinaison de l’unité mystique que constitue cette histoire d'amour entre un homme et une femme enfermés aux enfers) dont je n’ai pas su découvrir les défauts. Mais en existe-t-il, alors que ce mélange détonnant entre sensibilité exacerbée, créativité mélodique, énergie débordante, diversité des climats et virtuosité soliste renvoie tout simplement à l’essence du rock progressif, à proximité des Camel, Jethro Tull et autres groupes mythiques ? Et qu’au détour de la troisième piste, "La Bestia Ed Il Delirio", c’est un autre monstre sacré que nous avons l’occasion de croiser, ELP et son claviériste fou, Keith Emerson ?
Car même cet ensemble complexe de références que j’ai cru repérer ne constitue aucunement une faiblesse, comme cela peut être le cas chez d’autres groupes ; Il Bacio Della Medusa a su avec cet album se construire une personnalité indéniable, entre hard-rock Purpleien et musique Renaissance, rock progressif 70's et folk symphonique, qui ne doit rien d’autre à ses aînés que d’avoir inventé le genre dans lequel ils exercent. C’est beaucoup peut-être, mais c’est finalement bien peu. La seule question que l’on puisse alors se poser est la suivante : cet album est-il d’ores et déjà un classique ? Il ne m’appartient pas d’en décider au sein de cette chronique ; l’Histoire seule est compétente en la matière. Je n’espère qu’une chose : qu’elle ne se trompera pas.
- Site officiel
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LISTE DES PISTES:
01. Preludio: Il Trapasso - 3:43 02. Confessione D’un Amante - 3:05 03. La Bestia Ed Il Delirio - 5:09 04. Recitativo: È Nel Buio Che Risplendono Le Stelle - 3:58 05. Ricordi Del Supplizio - 6:27 06. Nostalgia, Pentimento E Rabbia - 6:59 07. Sudorazione A Freddo Sotto Il Chiaro Di Luna - 6:03 08. Melencolia - 5:39 09. E Fu Allora Che Dalle Fiamme Mi Sorprese Una Calda Brezza Celeste - 3:22 10. Nosce Te Ipsum: La Bestia Ringhia In Noi - 5:27 11. Corale Per Messa Da Requiem - 3:54 12. Epilogo: Conclusione Della Discesa Agl’inferi D’un Giovane Amante - 1:48
FORMATION:
Daniele Rinchi : Violon, Alto Diego Petrini : Batterie / Piano, Orgue, Vibraphone, Percussions Eva Morelli : Flûte traversière, Piccolo Federico Caprai : Basse Simone Brozzetti : Guitare électrique Simone Cecchini : Chant / Guitare acoustique 6 & 12 cordes, Guitare classique, Saxophone
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(4) AVIS DES LECTEURS
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Quel chemin parcouru par Il Bacio Della Medusa en quatre ans ! Leur précédent album éponyme était tout à fait honorable, flirtant avec un hard rock seventies gentiment épicé de quelques saveurs prog italiennes. Mais si les qualités sous-jacentes pouvaient laisser espérer mieux, rien ne nous préparait à un tel saut qualitatif !
Car "Discesa Agl'Inferi d'un Giovane Amante" fait partie de ces disques qui doivent impérativement figurer dans la discothèque de tout amateur de rock progressif seventies, même si cet album est sorti en 2008. Tout ce qui fait qu'on aime cette période est présent : des mélodies travaillées, raffinées, des changements de rythmes soudains, des alternances d'accalmie et de violence, de la poésie, de la mélancolie, du romantisme, un concept (celui de "la descente aux Enfers d'un jeune amant" évoqué par le titre), le mélange d'instruments électriques et acoustiques (violon, flûte, saxophone, piano, …), un chant théâtral, de longues digressions instrumentales, un saupoudrage astucieux de samples d'ambiance (vent glacial, orage, rires, bruit d'eau, ..) et un mélange savamment dosé de classique, hard rock, folk, jazz rock, blues, musique médiévale, psychédélique, du monde, … Sans oublier la présence d'un orgue Hammond. Le bonheur, vous dis-je !
Car non seulement tous les ingrédients d'un bon disque de rock progressif "à l'ancienne" sont réunis, mais en plus ils sont parfaitement utilisés. Les compositions regorgent de superbes mélodies aux thèmes riches et gracieux, souvent passionnés, évitant toute longueur et tout effet de lassitude. Les transitions sont soignées (un défaut que nous avions pointé du doigt sur l'album précédent, fort bien corrigé), les changements de tempo s'opérant naturellement et les titres enchainés les uns aux autres s'écoutant d'une traite comme un seul et long morceau. L'alternance des différents styles musicaux est toute aussi fluide, sans que l'un soit privilégié. Tous les instruments sont à la fête et difficile d'en distinguer un plus que l'autre (même si, à titre personnel, je craque un peu pour la flûte virevoltante qui illumine l'album de sa présence) et le chant, théâtral mais nuancé, laisse la place à de longs développements instrumentaux.
King Crimson, ELP, Van der Graaf Generator, PFM, Deep Purple, Jethro Tull. Si toutes ses références vous parlent, si elles font partie de votre patrimoine culturel, si votre organisme réclame chaque jour sa dose de bonheur, précipitez-vous ! "Discesa Agl'Inferi d'un Giovane Amante" vous deviendra rapidement indispensable.
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Un peu de Jethro Tull avec une flûte omniprésente, un chant en italien (on aime ou pas, personnellement je ne suis pas fan), un son un peu "crade" sur les soli de guitare et des compositions qui s'enchainent et tiennent bien la route. Pourtant, j'avoue honnêtement que cet album ne m'a pas fait grimper au plafond, et je trouve même qu'il y a une certaine uniformité entre certains titres (plages 5 et 6 par exemple).
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Je ne suis pas aussi élogieux que mon collègue sur cet album. Je n’ai pas ressenti un dixième de ce qu'il explique avoir vécu à l’écoute de CD. Je respecte totalement son jugement mais je trouve les comparaisons avec certains chefs d’œuvre quelque peu excessives. De plus, la barrière de la langue ne m’aurait jamais fait dépasser le 9/10 car mettre un 9,5 veut dire que la musique et les paroles (on les oublie souvent dans les critiques, surtout dans le cas d’un concept-album) sont exceptionnelles. Mon avis est que rien n’est réuni pour atteindre ces sommets.
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Voir les 4 avis
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LECTEURS:
4.5/5 (2 avis)
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STAFF:
3.7/5 (7 avis)
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