Bénie soit cette époque lointaine où l’on pouvait d’un mot d’un seul dire à quel genre appartenait un disque ! Le rock était le rock, le blues, le blues, le musette, le musette ! Aujourd’hui nous en sommes rendus à tant de sous-genres, tant de ramifications qu’on en vient facilement à se demander si la moitié d’entre elles ont un sens, et si l’autre moitié en a encore un. Du Metalcore au Blue-Funk-Psychédélique-à-tendance-bruitiste, on en perd son solfège !
Imaginez donc une période où le Thrash vivote péniblement, où le Heavy-Metal est en retrait, le métal mélodique a une extinction de voix, le Grunge est retourné au garage, le Néo fait son apparition, et tous les mix technoïdes commencent à émerger. Au milieu de cette effervescence, il était donc bien difficile de prévoir ce que pourrait-nous offrir un groupe comme Megadeth, désormais perçu comme une figure tutélaire du métal.
Innover pouvait être risqué, "Youthanasia" et son Heavy pur et dur ayant déjà fait grincer des dents quelques fans, mais ne rien faire ne semblait pas être plus judicieux. Dave et sa bande ont donc pris le pari le plus audacieux, celui de faire un peu de tout ! A la croisée des chemins entre Heavy, Thrash, Punk et Hard FM, le rouquin le plus célèbre de la planète métal se lança le défi de faire une musique transgenre mais toujours terriblement accrocheuse.
C’est donc avec une facilité déconcertante et presque insultante au vue du talent de certains nouveaux venus, que Megadeth attaque sa nouvelle galette avec un « Trust » accrocheur en diable, mêlant les ambiances heavy, mélodiques et quelques touches de symphonique pour un titre absolument imparable. « Almost Honest » évolue dans la même veine mélodique, les riffs étant plus aérés que sur "Youthanasia", tout en ayant conservé la même densité, le refrain se faisant à nouveau accrocheur sans être racoleur.
« Use The Man » aurait pu être le premier écueil de l’album, nous plongeant dans une certaine torpeur, s’il n’avait pas placé une accélération salvatrice en fin de titre faisant de lui une composition tout d’un coup inspirée et jouissive ! On s’apprêtait alors à décerner la palme à « Mastermind », qui souffrait de couplets manquant légèrement de relief, mais là encore la rage contenue et le crescendo qu’elle impose sauve le titre de belle manière. « The Disintegrators » achevait de nous remettre une bonne claque avec son punk pur et dur, renvoyant Offspring à ses classes.
Fallait-il que Dave transforme tout ce qu’il touchât en or ? Une nouvelle preuve allait être faite avec l’atmosphérique (non, non, vous ne rêvez pas !) « I’ll Get Even With You » à l’ambiance sombre mais terriblement prenante, si ce n’est son final plus mou. « Sin » continue dans ce faux rythme, la faute à des guitares moins tranchantes et une petite baisse d’inspiration.
Après ce petit passage à vide, quatre titres proposant toute l’étendue des talents du quatuor nous sont offerts : « A Secret Place » plus mélodique, mais doté d’un riff redoutable, « Have Cool, Will Travel » et son Heavy-Rock percutant agrémenté d’harmonica (non, non, vous n’avez toujours pas d’hallucination !), mais surtout les excellents « She-Wolf » revenant à une veine plus Thrash, et l’énorme « Vortex » groovy et complexe comme aux premières heures. « FFF » finit de nous achever avec son punk efficace, la voix de Dave sonnant idéalement dans ce registre.
Définitivement en phase avec son temps, Megadeth nous propose ici un album complet, hétérogène mais égal. Si la multiplicité des genres abordés pourra en rebuter certains, j’y voix personnellement une richesse et la démonstration d’une maîtrise totale. "Crypting Writings" fait partie de cette frange d’albums qui n’a pas vraiment su trouver son public, mésestimé par les fans, ignorés par les autres, gageons donc que vous soyez celui ou celle qui lui offre désormais l’attention qu’il mérite !