Après dix ans de reprises (Judas Priest, Kiss, Van Halen et d'autres) et de tâtonnements parfois pénibles, le groupe des frères Abbott est décidé à survivre aux années 80. Armée d’un nouveau chanteur prometteur, Phil Anselmo, débauché deux ans auparavant pour l’album Power Metal, et d’un contrat laborieusement chiné chez une major, la formation entre en studio en juin 1990 avec dans l’idée d’écrire une page de l’histoire du metal... Et quelle page... Alors que l’on disait le heavy metal en bout de course, Cowboys From Hell est un véritable manifeste qui vient sanctionner la présomption des médias de l’époque, sans doute lassés de ces chevelus et de leur « cacophonie ».
Innovante, possédée par un groove unique et alors encore jamais entendue sur un disque de heavy, la musique du quartet brille par sa limpidité. Toutes les pièces du puzzle sont en place : section rythmique sensationnelle, frontman déchaîné et guitariste au sommet de son art... Le raz-de-marée fut aussi terrible qu’imprévisible. Un véritable bouleversement pour ce groupe qui donnait jusqu’alors dans un heavy glam savoureux, mais quelconque.
Il demeure d’ailleurs des traces de ces années d’anonymat, comme le falsetto de Phil sur « Shattered » par exemple. Reliques d’une incertitude s’atténuant, qui disparaîtront sur les albums suivants. Pour le reste, qu’il s’agisse de l’écriture en elle-même ou de la production, c’est une renaissance. Inspiré, original, l’album est une merveille de tous les instants, où le moindre riff assassine l’auditeur par son à-propos. Oscillant entre pur thrash, heavy bien gras et southern rock, on devine à chaque instant une identité marquée qui ne fera que se prononcer dans les années suivantes. A ce titre, Phil Anselmo est aujourd’hui indissociable de cette identité, tant son phrasé, sa versatilité et son énergie, sans pareils, ainsi que ses textes presque rappés sont les stigmates du « style Pantera ». D’un point de vue rythmique, c‘est le déluge, Rex et Vinnie affichant déjà une entente hallucinante ; et au cœur des débats, celui qui ne se faisait pas encore appeler Dimebag, lumineux, qui écrit en moins d'une heure les premières pages de sa légende. Riffs nerveux (« Domination », « Clash with Reality»), soli somptueux (« Cemetary Gates », « Message in Blood »), il éclabousse de son talent non seulement le disque tout entier, mais plus encore une génération de métalleux à l’agonie en cette aube du grunge. Un guitar hero iconique était né...
En un mot comme en cent, Cowboys From Hell est encore aujourd’hui, presque 20 ans après sa sortie, un chef-d’œuvre absolu que tout amateur se doit de posséder. Incontournable.