Avec "Screaming For Vengeance" et "Defender Of The Faith", Judas Priest nous a offert 2 monuments du métal mélodique. Cependant, le paysage musical est en train de changer avec 2 mouvements en plein essor. D'un côté, le métal se durcit avec des groupes comme Metallica ou Slayer. De l'autre, la Californie inonde le marché avec ses groupes de Glam permanentés et aux mélodies simples et efficaces. Pas difficile, à la vue de la pochette de comprendre vers quel bord les cinq britanniques ont décidé de pencher. Les vêtements cuirs se sont colorés alors que Rob Halford porte désormais une crinière blonde, ce qui est toujours mieux que la coupe caniche de K.K. Downing ou celle 'studio-line' de Dave Holland.
Nous voici donc préparés au contenu musical de ce "Turbo" qui voit le Priest décorer son métal de sonorités électroniques qui renvoient les guitares en arrière. Bien sûr, le quintet n'a rien perdu de son talent de compositeur avec des riffs efficaces ("Lock In", "Reckless") et des refrains en forme d'hymnes ("Turbo Lover", "Private Property", "Wild Night, Hot & Crazy Days"). Rob Halford nous fait également découvrir une nouvelle facette de son talent qui semble sans limite, en modulant parfaitement son chant, presque susurré sur "Turbo Lover", ou accompagnant la montée en puissance du mid-tempo "Out In The Cold".
Il est vrai qu'une fois l'effet de surprise passé, il paraît évident que Judas Priest se frotte une nouvelle fois avec succès à une nouvelle facette du métal. Mais la question se pose de savoir si c'est ce que nous attendons de ce groupe désormais solidement installé au Panthéon du Hard-Rock avec un grand H. En effet, les légendaires duels de guitare se font plus rares ("Hot For Love") et moins imparables. La batterie triggée perd de son habituelle puissance alors que la plupart des claviers ont mal passé l'épreuve du temps ("Out In The Cold"). Judas Priest va même, chose assez rare pour la signaler, nous balancer un titre frôlant le ridicule avec un "Parental Guidance" au refrain d'une niaiserie stupéfiante. Ce morceau se veut une réponse à une association américaine qui avait classé le titre "Eat Me Alive" en tête d'une liste de chansons qu'elle considérait comme dangereuse pour la jeunesse. Reste à savoir si le côté lénifiant est voulu ou non.
Ceci dit, malgré un côté un peu linéaire et les quelques défauts énoncés, "Turbo" reste un album de qualité qui pourrait presque servir de référence à de nombreux groupes Glam/FM maîtrisant moins bien leur style de prédilection que le combo anglais qui en est à son premier essai en la matière. Reste que tous ces ajouts électroniques, s'ils ont décoré l'acier britannique, en ont également sérieusement émoussé le tranchant.