Suite aux tragiques évènements de 1992/93, le label DSP disparaît avec son créateur Oystein Aarseth, et Enslaved se retrouve à la rue. Mais à l'époque, un jeune label français a suivi l'exemple du leader de Mayhem, et s'est à son tour lancé dans le monde du métal extrême. Ce label, c'est Osmose Production, et Frost est le début d'une longue et fructueuse entente entre les deux parties.
Sur ce deuxième opus, Enslaved affirme encore davantage l'influence viking de son black métal (le terme lui-même est inscrit dans le livret), abrégeant les morceaux et réduisant drastiquement l'importance des parties folk/planantes caractéristiques de leur première réalisation. Le ton se durcit clairement, et l'intro atmosphérique éponyme ne dissimule guère l'ambition guerrière de cet album. Album le plus brutal d'Enslaved, il est, comme son grand frère, indiscutablement annonciateur de la tournure artistique à venir pour le groupe, excepté qu'ici, ce ne sont pas les éléments progressifs qui sont à souligner, mais le retour à un style très thrash. Comme sur le titre "Fenris" par exemple, dont les rythmiques syncopées et le tempo ralenti ne laisse planer aucun doute. Le black métal est cependant toujours la matière première du trio, et des titres comme "Loke", ou le futur classique" Jotunblod" sont des modèles de ce qu'est le viking métal dans sa forme la plus norvégienne. Malgré tout, le revirement n'est pas total et des pistes comme "Yggdrasil' ou encore "Isöders Dronning" sont toujours aussi imprégnées d'un esprit folk qui n'est pas sans rappeler les futures élucubrations psychédéliques d'un certain Opeth...
L'inspiration, elle, n'a pas changé d'un iota, et les borborygmes en norvégien racontent toujours des histoires de Dieux et d'hommes, et piochent allègrement dans les sagas et le mythe scandinave en général. Parfaitement incompréhensibles pour le non-initié, elles parviennent toutefois à transmettre des émotions puissantes et riches, et à délivrer toute la noblesse et le sens épique de ce peuple aventureux qu'étaient les Vikings. Frost sonne aussi le glas de la première époque d'Enslaved, et avec elle de la première ère du black métal dans son ensemble. Tout comme Emperor, il faudra ensuite attendre 1997 pour que le groupe refasse surface dans un contexte totalement différent. Mais ceci est une autre histoire...
Que dire de plus ? Malgré des maladresses de jeunesse (rappelons que les auteurs de cet album n'avaient que 17 et 21 ans au moment des faits), voici un album exemplaire du black métal norvégien des débuts, qui parvient en outre à faire état d'un potentiel énorme. Tout à fait recommandable, et donc recommandé !