Ainsi que Monsieur me l’a demandé, j’ai pris peine de jeter une oreille attentive au quatrième effort solitaire de Steve Hackett, un opus paru en 1981 nommé "Cured". Si Monsieur m’y autorise, je m’autoriserai en préalable un petit commentaire sur la pochette de cet album, dont le côté commun choque l’esthète que je m’efforce d’être : abandonnées, les délicates aquarelles de Kim Poor, dont la délicatesse ornait si finement les œuvres de son mari ... En lieu et place, une photographie fort quelconque de M. Hackett, non pas affairé à sa guitare, mais oisivement attablé derrière un apéritif que la morale me dispense de nommer. A certains égards, cette présentation m’a rappelé celle de l’inénarrable "Love Beach" du trio anglais ELP, qui derrière une piètre jaquette, avait livré un album tristement peu inspiré. Eu égard à la qualité des opus précédents, et à l’inégalable renommée du guitariste du prestigieux groupe Genesis, je me suis surpris à prier que "Cured" ne fût pas né sous les mêmes auspices ...
Je ne ferai pas l’injure de rappeler à Monsieur les qualités qui ont fait la renommée de "Voyage Of The Acolyte" ou "Spectral Mornings", pour ne nommer que ceux-là : si la qualité du jeu guitaristique de Steve - que Monsieur me permette cette familiarité - n’est pas à démontrer, il a su surprendre son auditoire avec ses compositions volontiers sombres, souventefois contrastées et toujours harmonieuses.
Ce qui a frappé mon oreille lors de la découverte de "Cured", c’est bien la nouvelle orientation générale dans les compositions. Encore plus court que le précédent "Defector", cet album sonne beaucoup plus pop, et moins orchestré. J’en veux pour preuve la réduction des effectifs - du line-up, ainsi que l’on a à présent coutume de dire : "Cured" est en effet joué par un simple trio de musiciens, Steve tenant à la fois les guitares et la basse, confiant les claviers mais également la batterie programmée - hérésie ! - au fidèle Nick Magnus, et laissant comme d’habitude le soin à son frère John le soin d’apporter la délicatesse de la flûte dans le jardin de ses compositions. A peine trouvons-nous quelques touches de saxophone sur le second titre. Et les claviers sont beaucoup moins mis en évidence que sur les productions précédentes.
Il faut se rendre à l’évidence, notre engouement pour Steve dût-il en souffrir, Monsieur : cette simplification dans l’orchestration s’est accompagnée d’un regrettable appauvrissement dans les compositions. Je me dois de faire remarquer à Monsieur que certains titres sont, comment dire, d’une veine assez inconsistante, à l’image des deux premiers, fort transparents. En privilégiant le côté vocal, Steve prend un risque : il n’a jamais été un chanteur émérite, et Monsieur conviendra que bien des airs, ainsi assez mal mis en valeur, sonnent assez creux, surtout si l’on compare aux productions précédentes. Aussi nous trouvons-nous fort rassérénés à l’écoute de 'The Air Conditionned Nightmare' ou 'Overnight Sleeper', en retrouvant la griffe Hackett, ce délicat équilibre entre mélodie et atmosphère inquiétante.
Mais, Monsieur le sait bien, deux titres ne sauvent pas un album, et c’est le cœur lourd que je dois conseiller à Monsieur, pour continuer à vénérer ce Maître qu’est Monsieur Hackett, de se tourner vers d’autres productions moins immédiates et plus exaltantes.