Album après album, ZZ Top monte en puissance, affirmant son identité et évoluant à chaque sortie discographique. Toujours produit par Bill Ham, le trio texan a cette fois confié ses bandes à Robin Brian et Terry Manning, alors que quelques nappes discrètes de claviers font leur apparition sous les doigts de Dusty Hill, ne visant pour l'instant qu'à étoffer légèrement certaines ambiances. Car pour le reste, ZZ Top donne toujours la priorité à l'efficacité et à la sincérité, concentrant ses 10 nouveaux titres sur 33 minutes.
Oui, mais quels titres ! Si "ZZ Top's First Album" et "Rio Grande Mud" étaient d'excellents albums, ils n'avaient pas encore réussi à dégainer le morceau imparable, celui que chaque guitariste se doit d'essayer de reproduire, celui que même le plus inculte en matière de Rock sera capable de reconnaître dès les premiers accords ! Celui qui permet à "Tres Hombres" de s'installer directement sur le panthéon des albums incontournables s'appelle "La Grange". Avec son riff en boucle inspiré du "Boogie Chillen" de John Lee Hooker, voire du "Shake Your Hips" de Slim Harpo, mais gonflé aux hormones texanes, il démarre avec un air de ne pas y toucher, laissant Gibbons nous compter brièvement l'histoire d'un vieux bordel de campagne du même nom, avant de lâcher une déferlante de guitare incandescente. La formule est aussi simple qu'irrésistible. On ne s'en lasse jamais et chaque écoute est l'occasion d'une nouvelle transe.
Mais résumer "Tres Hombres" au seul "La Grange" serait injustement réducteur et ne rendrait pas l'hommage qu'ils méritent à ses 9 compagnons de sillon. Car ZZ Top maintient un niveau de qualité rare et ne trébuche toujours pas sur un titre trop faible, voire juste dispensable. Dès l'enchainement sans pause du saccadé "Waitin' For The Bus" et du blues lancinant "Jesus Just Left Chicago" dégoulinant de feeling, la messe est dite: les barbus sont désormais incontournables, réussissant l'exploit d'apporter systématiquement la petite variante qui fait qu'ils sont immédiatement reconnaissables sans jamais tomber dans la redite. Et que dire du graisseux "Beer Drinkers & Hell Raisers" sur lequel Gibbons et Hill alternent le chant en s'appuyant sur une rythmique inarrêtable ? Tous ces titres sont d'une carrosserie inoxydable qui doit en faire de futurs hits incontournables pour chaque concert du trio sudiste.
Etoffé par le lent et sensuel "Hot, Blue And Righteous", le nonchalamment syncopé "Shiek", ou un "Have You Heard ?" au accents Gospels dont les chœurs semblent s'élever des chants de coton de Louisiane, "Tres Hombres" impose définitivement ZZ Top comme un de ces rares groupes étant capable de rendre un hommage respectueux aux racines du Blues et d'y ajouter ce qu'il faut d'expérimentations pour se forger une identité forte et reconnaissable par tout un chacun. Cette fois, la légende est née et l'authenticité des membres du trio laisse augurer une sacré carrière !